Bandeau

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dimanche 29 décembre 2013

Ce n'est presque rien


Les mots sont morts, les mots sont morts, les mots sont maux. J’ai le blues. A, A, B, trois fois quatre et prends la mesure du temps. Idées noires et cheveux blancs. Les murs ont des oreilles, haine… et ça espionne de toute part. Quelques notes de musique volées, altérées, puis soupir et silence. Joue Mikhaïl, joue, joue encore ! L’AK-47 est un fusil automatique extrêmement populaire grâce à son coût très faible, sa robustesse, sa fiabilité et sa grande facilité d'entretien. Les affichages publicitaires agressent le quidam dans les espaces industriels et commerciaux qui s’interpénètrent en milieu péri-urbain, mais les dessins du street art embellissent les discours sur la ville qui danse, pensée par des architectes idéologues dans leurs mémoires de l’avenir. La rue embouteillée verse son nectar empoisonné particulièrement diesel dans les éponges imbibées de nicotine alors que le macaque nucléarisé n’a pas survécu au choc électrique de sa dangereuse transgression. Tu n’as rien vu à Drancy, rien : ni Shoah, ni Areva, ni Cigeo et pourtant on prend toujours un train pour quelque part. Une minute de silence s’impose, extinction de la bande son. Puis à nouveau brouhaha des conversations, un air de madison et des fantômes s'agitent en cadence devant le jukebox. Hop un quart de tour à droite et on recommence. Est-ce ainsi que l’on fait un pas de côté ? Croissant et café noir sur le zinc blafard au petit matin d’un buffet de gare. Retour mélancolique sur des rencontres sans lendemain à l’heure où l’on ramasse les poubelles des souvenirs effacés. Il n’y a plus rien crie le poète et pourtant le cœur qui bat de traviole s’accroche avec exactitude à son passé incertain. Colère et passion. Le hululement strident de la chouette résonne dans les silences de la nuit, plainte de Cassandre désespérée qui annonce le malheur au monde. Mais personne ne veut l'entendre. 

Victor

(Texte écrit le 29 décembre 2013)

mardi 12 novembre 2013

L'enfant et l'oiseau


C’était il y a vingt ans, je crois. Le soleil haut dans le ciel réchauffait le sol aride parsemé de brins d’herbe et de fétus de pailles. À quelques mètres de là, un bosquet d’arbres verts laissait entrevoir à travers son feuillage quelques pans d’un ciel bleuâtre.
Un enfant accroupi, la tête penchée vers le sol se tenait là. Il semblait occupé à observer je ne sais quoi, peut-être le ballet incessant de quelques fourmis chargées de provisions qui cheminaient dans la poussière. Il était nu. Seuls un collier et un bracelet lui servaient de parure.
Un peu plus loin, derrière, dressé sur ses pattes, les ailes aux plumes brunes soigneusement repliées et la tête immobile couverte d’un fin duvet blanc, un grand oiseau attendait. 
Non ce n’était pas un milan qui dans l’imagination d'un gosse rêvait d’une belle cage où il ferait bon dormir quand ce serait la dernière neige. Ce n’était pas non plus Néophron qui, échappant à la colère de son père, aurait quitté la Grèce pour voler jusqu’au cœur de l’Afrique. Ce n’était qu’un vautour silencieux qui guettait à Ayod un môme qui respirait encore.
Mais l’enfant ? L’enfant il était prostré, seul, les côtes saillantes et la peau collée sur les os. Il n’avait plus d’impatience. Il ne jouait plus. Il aimait la vie et avait peur de la mort. Il était affamé, il mourait de faim… et le grand oiseau attendait.

Victor


Libre regard sur la photo « La petite fille et le vautour » de Kevin Carter prix Pulitzer 1994 

(Texte écrit le 12 novembre 2013)