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mardi 12 novembre 2013

L'enfant et l'oiseau


C’était il y a vingt ans, je crois. Le soleil haut dans le ciel réchauffait le sol aride parsemé de brins d’herbe et de fétus de pailles. À quelques mètres de là, un bosquet d’arbres verts laissait entrevoir à travers son feuillage quelques pans d’un ciel bleuâtre.
Un enfant accroupi, la tête penchée vers le sol se tenait là. Il semblait occupé à observer je ne sais quoi, peut-être le ballet incessant de quelques fourmis chargées de provisions qui cheminaient dans la poussière. Il était nu. Seuls un collier et un bracelet lui servaient de parure.
Un peu plus loin, derrière, dressé sur ses pattes, les ailes aux plumes brunes soigneusement repliées et la tête immobile couverte d’un fin duvet blanc, un grand oiseau attendait. 
Non ce n’était pas un milan qui dans l’imagination d'un gosse rêvait d’une belle cage où il ferait bon dormir quand ce serait la dernière neige. Ce n’était pas non plus Néophron qui, échappant à la colère de son père, aurait quitté la Grèce pour voler jusqu’au cœur de l’Afrique. Ce n’était qu’un vautour silencieux qui guettait à Ayod un môme qui respirait encore.
Mais l’enfant ? L’enfant il était prostré, seul, les côtes saillantes et la peau collée sur les os. Il n’avait plus d’impatience. Il ne jouait plus. Il aimait la vie et avait peur de la mort. Il était affamé, il mourait de faim… et le grand oiseau attendait.

Victor


Libre regard sur la photo « La petite fille et le vautour » de Kevin Carter prix Pulitzer 1994 

(Texte écrit le 12 novembre 2013)