Bandeau

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mercredi 27 avril 2016

Burla

« Rô i bosse encore ! » dit Paul importuné par un bruit incessant de fouine au dessus de sa tête qui l’empêche d’apprécier le thé rouge sans théine qui fume devant lui. « Tout passe sans arriver » attaque Louise de sa voix pâteuse et imbibée. Un peu verte du trop d’absinthe qu’elle a ingurgité, elle agite sa tête de perruche et acquiesce d’un air entendu à ses propos. Paul contrarié souffrant de son ulcère dû à un ego anormalement développé ouvre un sachet de bismuth tandis que le lyonnais, tapi derrière le comptoir donne crédit à cette affirmation péremptoire.

Tobias Roo qui réparait la charpente descend l’escalier affublé d’un nez de clown mais sans son accent circonflexe qu’il a laissé sur le faîtage pour colmater une infiltration de globish. Il est de mauvaise humeur, parce qu’un capitaine de pédalo lui a déclaré qu’on n’entrait pas par une porte de sortie et qu’on ne pouvait défaire ce qui n’est pas encore fait. Tobias hume à travers la fenêtre ouverte l’air libre et allergène de la rue tandis qu’en prêtant l’oreille, il lui semble percevoir la mélodie d’une viole de gambe dans le lointain. Cela ne suffit cependant pas à calmer son envie de donner des claques.

Le maire d’Eu frappe à l’huis et entre. « Toi, on t’a pas sonné » dit Roo d’une voix forte. Mais avant qu’il ait pu refermer la porte, une « maiastra », brillant de mille feux, pénètre dans la pièce d’un vol léger, virevolte à la recherche d’un socle et finit par se poser. Cette créature en forme d’hélice d’avion, venant sans doute d’un cimetière roumain, surprend tout le monde. « J’ai cogné ! Je viens chercher mes valises. » répond l’édile décontenancé par cette intrusion et par cet accueil peu sympathique. « On ne va quand même pas passer la nuit debout. Allons en marche ! » Joignant le geste à la parole, il remet son couvre chef et pousse son chariot à bagages. Personne ne bronche. L’homme au chapeau quitte alors cet aréopage d’éloquence maintenant silencieux et troublé par l’atterrissage remarquable de l’oiseau doré qui lui avait apporté un supplément d’âme.

Roo, témoin de ces derniers événements se calme peu à peu. Il sort dans l’obscurité, la neige s’était mise à tomber. La route est dans la pénombre mais tout ce qui l’avoisine est poudré à blanc. Sa rencontre avec la reine de la nuit ne l’étonne qu’à moitié. Pour celle qui errait dans les bars rock, il n’est pas question de s’éterniser mais de retrouver au plus vite le corps mort d’un prince sur la scène de crime d’un jardin anglais. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle disparait et cette « imperception » soudaine rappelle à Roo celle de l’UFO dans le livre d’allemand 1ère langue de sa classe de troisième. Fatigué de sa marche nocturne et de cette longue insomnie il arrive finalement à ce qui était la veille encore une scierie mais en ce petit matin n’est plus que ruines fumantes. Adieu lattes, pannes et chevrons, désormais il sait que cela va être la dèche…

Victor

(Texte écrit le 27 avril 2016)