Bandeau

Bandeau

mardi 28 août 2012

Cosmologie


Les quarks avaient formé très vite des neutrons et des protons. Les galaxies tournoyaient dans l’univers en s’éloignant les unes des autres du fait de l’expansion de celui-ci. Cependant, les plus proches attirées par les forces de gravitation entraient en collision. Des géantes bleues étaient alors produites, riches en atomes d’oxygène qu’elles disséminaient dans l’espace lors de leur disparition. 
Les étoiles naissaient et mouraient après avoir fabriqué les atomes. À chaque cycle, pendant des milliards d’années, ceux-ci devenaient de plus en plus lourds et par association constituaient les molécules. La matière se structurait donnant naissance aux planètes. Quand, sur ces dernières, les atomes d’hydrogène se combinaient aux atomes d’oxygène, il y avait de l’eau, condition pour que la vie puisse apparaître.
Sur la terre, ce fut d’abord des cellules qui peu à peu se transformaient en s’associant pour créer des êtres vivants de plus en plus complexes. Les dinosaures dominèrent un temps puis disparurent sans doute à cause d’une chute de météorites. Cela permit le développement des mammifères puis des humains, doués de conscience. Et cela durerait encore cinq milliards d’années, si ces êtres conscients ne “déconnaient” pas entre eux et avec leur planète. L’avenir pourrait être royal…
Et tout à coup, au début du vingt et unième siècle de notre ère, tout en bas de la page tel un dessin de Sempé, au centre d’un hexagone, que dis-je au centre, un peu plus à droite, un petit homme s’agite pour se faire entendre. Il a, lui, les solutions et avec ses copains, Clotaire, Rufus, Alceste et Agnan (pardon ! Jean-François, Xavier, Jean-Louis, et bien sûr le cher Éric), il s’engage à les mettre en œuvre pour le plus grand bien de ses concitoyens dont il a entendu les inquiétudes : il faut travailler plus pour gagner plus, récompenser le mérite et l’effort, baisser les impôts des riches, diminuer le nombre des fonctionnaires, renforcer l’autorité quitte “à utiliser le Kärcher” et ne plus accueillir en France que strictement les étrangers dont l’économie à besoin…
D’abord il y a les bernés qui croient aux fausses évidences et aux “y a qu’à”, qui souhaitent se sortir de leur condition de vie médiocre, qui sont sensibles aux discours populistes et prompts à désigner des boucs émissaires. Et puis il y a ceux qui ont bien compris et qui devant l’infiniment grand et l’infiniment petit ne partageaient pas le vertige de Pascal mais lorgnaient plutôt sur son effigie couchée sur les billets de banque, les chantres du libéralisme et du Cac 40 qui portent leur candidat aux nues afin qu’il pleuve toujours où c’est mouillé !
Alors, sous le soleil exactement, le chien s’ébroue en sortant de l’étang. L’hédoniste lâche sa tartine toastée recouverte de compote de rhubarbe avec une fine tranche de Brie de Meaux légèrement gratinée qui tombe du mauvais côté. Une bouche anonyme croque dans une tablette de chocolat aux pépites croustillantes faisant trembler les alentours et semant la ruine. 
Alors l’intelligence dans le pays de mon enfance vacille. Le langage se décompose en concepts puis en mots. Ceux-ci perdent leur sens et se brisent en vingt-six lettres qui redeviennent alphabet. Et bientôt les lettres elles-même, dans un grand couac élémentaire, perdent toute existence pour devenir un magma informe d’images de pub et de jeux télévisés.
Est-ce ainsi que commence le big crunch ?
Victor 

(texte écrit le 6 mai 2007)