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vendredi 6 juillet 2012

Il était une fois…


L’homme de lettres gare son vélo jaune à proximité du hall d’entrée. Il abaisse la petite béquille latérale afin de stabiliser son engin et s’avançant de quelques pas,  présente son badge électronique fraîchement programmé, devant la tête de lecture Vigik. La serrure électromagnétique privée d’énergie se décondamne et la porte s’ouvre, version moderne du “tire la chevillette et la bobinette cherra”. Il dépose alors dans la boîte à lettres l’opus du mois de mars des hors séries de Télérama : “Fraternité”…
Elles étaient là rassemblées dans ce parc départemental qui jouxte la voie ferrée, au pieds de la cité rouge brique, splendeur de la reconstruction d’après guerre de cette banlieue ouvrière. La jeune fille toute de bleu vêtue “Égalité”, sa sœur immaculée en robe blanche “Fraternité” et l’autre tout entière de couleur pourpre “Liberté”, ne pouvaient cacher leur inquiétude suite à l’appel pressant et désespéré de leur mère “la République”.
Sur la scène, car il s’agit de théâtre, le Créateur s’entretient avec l’Auteur. (À toute pièce, il faut un auteur qu’on puisse conspuer si les spectateurs n’ont pas aimé ou applaudir dans le cas contraire.) Ils discutent de la représentation qui sera donnée dans quelque instants : un auto-sacramental, sur les malheurs de la République, une fresque allégorique qui utilise le grotesque pour provoquer la réflexion sur le présent, l’actualité. 
C’est un Créateur laïque, qui attrape le fou rire quand il apprend que non seulement il a un représentant sur terre mais de plus qu’il s’appelle Benoît… Il doit construire une fresque sur la république mais est confronté au drame que vivent ses personnages dans les méandres de la lutte pour le pouvoir. Il y a là le Président, le Juge, l’homme d’affaires Dow Jones, un sémillant new-yorkais au maquillage évoquant celui du Joker dans le Batman de Tim Burton, la République et ses trois filles, Liberté, Égalité et Fraternité, laissées en plan dans le parc et puis aussi plein d’autres personnages dont un jardinier prénommé Pablo, complice de la République et qui voudrait pulvériser un puissant insecticide sur la petite Liberté qu’il trouve couverte de parasites : libéralisme, libre échange, etc.
C’est du théâtre joué non seulement pour divertir, mais pour changer la vie tel le “théâtre de l’opprimé” d’Augusto Boal dans les années 1960-70. C’est d’ailleurs aussi en Amérique latine qu’est né le théâtre Aleph, dans le Chili démocratique, en pleine effervescence révolutionnaire au temps de la présidence de Salvador Allende. La troupe a connu ensuite les affres de la répression, de l’emprisonnement et de l’exil pendant les années de plomb de la dictature d’Augusto Pinochet. Elle a ensuite continué à vivre en France, d’abord hébergée puis résidant dans un petit théâtre de la région parisienne sous la direction d’Oscar Castro.
Théâtre convivial, s’il en est, où ce soir là, les spectateurs accueillis par les acteurs déjà grimés sont invités à s’asseoir autour d’une table et à grignoter des “mise en bouche” en attendant la représentation de la pièce  “Il était une fois la République”.
Victor
(texte écrit le 9 avril 2007)

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