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dimanche 10 juin 2012

Ce que nous savons de Marseille…


Marseille Saint-Charles terminus ! La SNCF et l’équipe TGV membre de l’alliance Railteam espèrent, etc. 
Un voyage de plus de huit heures. En gare d’Avignon, au milieu de la nuit, tandis qu’on ne percevait que le tintement lent et régulier d’un marteau sur les boggies des voitures à compartiments, la motrice électrique avait été remplacée par une 241 P bruissante de vapeur. Elle ahanait maintenant sous un panache de fumée noire laissant échapper des escarbilles et semblait coucher par sa vitesse les poteaux télégraphiques qui défilaient le long des voies, dans l’aube naissante et les yeux ensommeillés d’un enfant. Non, c’était avant…  Réveil brutal à 1h30 du matin par les CRS des passagers en transit et en djellaba assoupis dans la salle d’attente, pour cause de fermeture de la gare… Souvenirs incertains qui se télescopent après tant d’années.
Tout recommence au sommet du grand escalier qui domine le boulevard d’Athènes. Là où le « drôle de Félix » a retrouvé son compagnon Daniel et l’a embrassé tendrement, baiser fougueux et gay sous le regard désapprobateur de Notre-Dame de la Garde, la Bonne Mère qui, du haut de la colline, veille sur la ville et les cages de l’OM.
Plus bas, sur le boulevard qui conduit à la Canebière et plus encore dans les rues adjacentes c’est déjà  un peu le Maghreb qui accueille le voyageur. Pourtant les silhouettes blanches d’un ferry sur le bitume des trottoirs de la Joliette rappellent que l’Algérie et la Tunisie c’est plus loin, de l’autre côté de la mer. Faut-il alors prendre le bateau pour Alger, emprunter les mots et les images d’Élisabeth Leuvrey et, l’accompagnant dans « La Traversée », avoir rencontré à bord Hocine, puis Karim et son frère, Nedjma, sa famille et bien d’autres passagers, chargés de sacs et d’histoires dans cet « entre-deux », entre société d’accueil et société d’origine, entre présent et passé, pour entendre enfin la parole de ceux qu’on appelle migrants ?
Le Tram défie les embouteillages sonores et peine parfois à retrouver ses rails au croisement des rues. Malgré son étrave de navire, il évite le Vieux port et l’abandonne aux flots des touristes qui arpentent les deux rives.
Au nord, derrière l’Hôtel de Ville, les rues étroites n’en finissent pas de monter, quitte à s’adjoindre les services d’un escalier aux marches irrégulières. Elles courent le long des vieux bâtiments, parfois rénovés, murs roses et ocre, baignés de lumière ou plongés dans l’obscurité des ombres portées. Autour des placettes ensoleillées et plantées d’arbres, les volets et le linge qui sèche aux fenêtres égayent les façades de leurs couleurs vives. Un chat qui fréquente le dessus du Panier pose délicatement ses pattes de velours sur les tuiles canal de la toiture d’un immeuble réhabilité. Quelque part, derrière le mur aveugle de la Vieille Charité aux galeries désertes, on découvre un portrait de Jean-Claude Izzo sur une affiche défraichie, vestige d’une ancienne exposition qui rappelait le lien passionnel et poétique que cet écrivain avait avec sa ville. Et on entend, au loin, Gianmaria Testa chanter la Plage du Prophète.
De l’autre côté du Vieux port, rue Sainte, on prétend qu’un morceau de l’Île de beauté s’est échoué sur les récifs pour devenir restaurant. Il est conseillé de s’y réfugier surtout par temps de mistral pour déguster un civet de sanglier et des beignets de légumes, le tout arrosé d’un excellent petit vin corse. Et puis après si les mollets sont encore vaillants et l’estomac pas trop lourd il faudra faire un tour à l’Abbaye Saint-Victor et bien sûr gravir à pieds la colline de la Garde pour regarder enfin la cité et tenter de la comprendre. On ne croisera peut-être pas le bus 55 surgissant de la pente mais une fois au sommet on apercevra sûrement en bas là où « la ville est tranquille », Gérard Meylan qui joue au mauvais garçon, un flingue à la main ou bien on suivra pas à pas Fabio Montale dans l’ombre des ruelles du Panier, sur les terrasses des cabanons du port des Goudes et dans les quartiers populaires du nord de Marseille…

Victor


(texte écrit le 27 juin 2010)

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