Bandeau

Bandeau

samedi 30 juin 2012

Sans objet


« Je ne veux pas faire tache ! » Trace d’hémoglobine sur la chaussée, peinture imitant une flaque de sang sous la neige poudreuse qui vient de tomber.
Projet n° 493, Renzo Piano et Richard Rogers : empilement de plateaux libres en relation directe avec la grande place.
Les toiles sont accrochées dans les salles, profusion de formes et de couleurs sur les murs blancs. L’un des cartels porte l’inscription « Tableau à la tache rouge - 1914 ».
Au début il y a rencontre avec des paysages d’une Russie rêvée, souvenirs d’enfance évoquant les illustrations populaires en vogue à Paris au début du siècle dernier. Puis, peu à peu, la peinture change et se libère de toute référence au réel. Les toiles traversées parfois encore par la mémoire du Chaman cavalier deviennent abstraction.
« Peinture avec un cercle - 1911 ». La fiche de présentation précise que c’est à cette date que Kandinsky peint ce qu’il appellera sa « première toile abstraite », une composition organisée à partir de masses colorées de différentes densités parmi lesquelles un cercle tracé dans la partie supérieure droite de la toile, qui se regroupent autour d’une forme noire.
La disparition de l’objet a remémoré quelques vers de Mallarmé, un poème qui bannit toute inspiration lyrique. Les mots couchés sur la feuille de papier ne décrivent plus, ne racontent plus. Ils sont ordonnés dans une syntaxe dont l’intention est de produire un effet : éveiller chez le lecteur des impressions et des sentiments. 
La combinaison des couleurs et des formes participent de cette grammaire. Elle véhicule, telle une musique, émotion et sensations. La poésie d’un monde créé de toute pièce par l’artiste, ne répondant qu’à « la nécessité interne au tableau », s’impose à celui qui au travers les salles déambule au fil des lieux et des époques de la vie du peintre.
« Peindre non la chose, mais l’effet qu’elle produit. Le vers ne doit donc pas, là, se composer de mots, mais d’intentions, et toutes les paroles s’effacer devant les sensations… », écrivait Mallarmé en 1864.
Le vocabulaire pictural change, les formes colorées deviennent géométriques. Point, ligne et plan se confrontent au jaune, rouge, bleu dans des compositions spatiales plus épurées. Élan cosmique de la « Composition VIII » de 1923 combinant des éléments géométriques abstraits où des cercles, transparents ou non, de toutes tailles et de toutes couleurs parsèment la toile, surface rythmée par des formes triangulaires et barrée par endroit de fines lignes noires.
Puis nouveau tournant dans la manière de peindre. La gamme chromatique devient plus tendre, la peinture apaisée et sereine. « Bleu du ciel » en 1940 comporte une myriade de petits êtres biomorphiques qui semblent flotter dans un placenta bleuté, crevettes et embryons multicolores relevant d’un monde cellulaire microscopique.
C’est la fin du parcours. La lumière du soir, diffuse à travers une baie et conduit le regard vers le tableau rougeoyant du ciel éclairé par le soleil qui se couche au dessus des toits de la ville…
Après l’exposition Kandinsky au Centre Pompidou.

Victor

(texte écrit le 19 décembre 2009)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire